Accès à la profession de "Guide des Espaces Naturels" sur base de l'expérience!
Cher Monsieur le Ministre de Tourisme,
Nous sommes convaincus que vous n’avez pas manqué de remarquer la récente agitation et l'insatisfaction dues à l'exclusion de l'obtention du « certificat de guide des espaces naturels » de nombreux expérimentés accompagnateurs de randonnées.
Nous vous prions Monsieur le Ministre, permettez-nous de vous exposer notre mécontentement et notre argumentation. Nous n'avons pas l'intention de semer des troubles avec toutes sortes de manifestations, nous espérons uniquement que vous prendrez le temps de nous lire et de nous écouter.
Lorsque nous avons appris qu’un Examen Professionnel d’Accès à la Profession de Guide de Tourisme sera mis en place pour toutes personnes disposant de compétences professionnelles acquises sur le terrain, des centaines (ou même des milliers) de personnes était intéressées.
Enfin l’opportunité se présentait pour faire valoriser et apprécier notre métier étant donné que le but initial était d’offrir aux guides sans diplôme l’occasion d’obtenir le certificat sur base de leur expérience et leurs compétences.
Même si le délai d’inscription était très court pour obtenir les documents nécessaires, beaucoup de personnes se sont inscrites pour l’examen et se sont rendus à Rabat par tous les moyens possibles (bus, train, taxi, carpooling,…), des heures (parfois des jours) de trajet et ont dû trouver des logements sur place.
Comme vous savez très bien, le domaine du tourisme est une profession dans laquelle presque tout le monde connaît tout le monde personnellement ou via via. Grande était la surprise de rencontrer dans les candidats pour l’attestation de Guide des Espaces Naturels, des personnes qui n’ont jamais travaillé comme accompagnateurs : des gens travaillant à la réception d’hôtels, des administratifs dans des agences de voyages,…, bref des gens qui n’ont aucune expérience sur le terrain.
En plus, il s’avère qu’en dehors de l’épreuve physique, l’examen écrit et l’examen oral étaient identiques pour la catégorie « Guide des espaces naturels » et la catégorie « Guide des villes et des circuits touristiques ». Permettez-nous d’attirer votre attention sur le faite qu’on parle de deux professions totalement différentes, 2 métiers différents avec chacun leur propre public, leur propre clientèle. Comment peut-on comparer et évaluer l’expertise de ces 2 métiers ? Pourquoi les examens n’ont pas été conçus différemment pour ces 2 groupes ?
Nous nous référons au dicton qui divise clairement les 2 métiers : “The traveler sees what he sees, the tourist sees what he has come to see.” ~ G. K. Chesterton
Un guide des villes et de circuits touristiques est quelqu'un qui donne à un individu ou un groupe de « touristes » une visite d'une certaine ville ou de plusieurs villes/lieux d’intérêt. Cette visite a souvent lieu à pied, mais il y a aussi des guides qui complètent la visite en vélo, en bateau, en voiture ou en bus. En plus des informations de base sur la ville, un guide de ville fournit également des informations culturelles, historiques, remarquables ou autrement intéressantes sur la ville en question et les lieux d'intérêt. Un guide de la ville se spécialise dans une ou plusieurs villes.
Ses compétences principales sont la connaissance parfaite
- de son lieu de travail (le plan de ville, le plan du circuit proposé,…)
- de la culture générale du pays
- de l’histoire du pays (en détail même) et les attractions touristiques et curiosités des lieux à visiter
- de plusieurs langues étrangères
Devenir guide des espaces naturels par contre nécessite une grande pratique de la montagne et du désert, sous toutes ses formes, et un sens aigu du terrain et de ses danger. Il doit être amoureux de la nature, désireux de transmettre sa passion et ses connaissances à différents publics. Il est spécialisé dans le domaine de la randonnée dans un sens large, plus particulièrement dans l'encadrement et l'accompagnement de groupes (inter)nationaux de toutes tailles. Cet accompagnement peut se faire tant pour des groupes unilingues (Anglais, Néerlandais, Espagnol, ... et bien sûr Français, Arabe, Berbère) que pour des groupes mixtes multilingues. Il anime des randonnées pédestres, en milieu rural et montagnard, il dispose d’un ensemble de connaissances permettant d'encadrer des randonnées en montagne ou désert, sur des itinéraires choisis, hors des sentiers battus et dans le respect de l'environnement et des règles élémentaires de sécurité.
Il s’occupe surtout de « voyageurs/aventuriers » et doit avoir une connaissance/expérience en :
- nature et environnement (protection de l’environnement, faune, flore, géologie, culture locale, écologie)
- gestion du risque, communication VERBALE, capacités sociales
- différentes techniques de l’orientation
- météorologie
- sauvetage et premiers secours
- planification des randonnées en montagne et désert (altitude, temps de marche, distance, choisir l’endroit de bivouac,...)
- mise en place d'une équipe de muletiers, cuisinier,…
- logistique : prévoir le transport (minibus,…), achat de nourriture, de l’eau,...; avoir des tentes, matelas,…
- plusieurs langues étrangères
- animation d’un groupe, gestion de conflits (randonnées de plusieurs jours en groupe,…)
Comme vous pouvez le constater on parle de 2 métiers totalement différents. Dans la première catégorie l’accent est mis sur la connaissance de langues, de l’histoire et la culture du Maroc ; dans la deuxième catégorie l’accent est mis sur l’organisation et l’accompagnement (ce qui n’exclut pas la connaissance de la culture locale : villages, nomades, …).
Etant tous des personnes de cette deuxième catégorie, on voudrait vous parler uniquement de l’examen des guides des espaces naturels.
La première sélection s’est faite sur base d’une épreuve physique. Cette épreuve n’avait pas de sens à notre avis pour les raisons suivantes :
- un accompagnateur expérimenté connaît très bien ses limites physiques et n’est pas capable d’accompagner des randonneurs s’il n’est pas en bonne forme physique.
- nous avons constaté que peu de personnes ont été éliminées par cette épreuve, quel était donc le but de ce premier test ? En plus, il y a des gens qui ont été éliminés malgré qu’ils aient réussi à faire l’épreuve dans le temps prévu ?
La deuxième sélection s’est faite sur base d’un examen écrit.
- Selon les diverses rumeurs et témoignages qui ont été portées à notre attention de diverses sources, nous avons l'impression que cette sélection a été faite à l'envers. Au lieu de partir en premier lieu de l'expérience de dizaines d'années, on est parti d’un niveau scolaire élevé, et plus précisément, basé sur le pouvoir d'écriture littéraire au lieu de l'aspect communicatif. Ce qui implique que les personnes ayant un capital d'expérience mais qui ne sont pas des Victor Hugo ou Molière, ont été exclues.
Par contre, il y a des personnes non expérimentées, comme déjà indiqué plus haut, qui ont pris leur place, et ceci uniquement sur base de l'examen écrit. Nous ne revendiquons pas qu'il y a des gens capables qui ont réussi à franchir l'arrivée (On en connait personnellement et on n'a aucun doute quant à leurs capacités) mais il y a une grande perte d'expertise (notre expertise) au profit de personnes qui ne méritent pas d'être sélectionnées, et par conséquent une perte énorme à la contribution à l'image du tourisme marocain.
- Le contenu de cet examen était principalement axé sur le métier de guide de villes. Pour les candidats guide des espaces naturels on peut exiger des notions de l’histoire de leur pays mais en général il s’agit de personnes qui n’ont pas le niveau scolaire adéquat, ni pour l’histoire, ni pour l’écriture dans une langue étrangère.
Par contre, en général ils parlent mieux les langues étrangères comme ils ont la pratique lors qu’ils exercent leur métier.
- En plus on se pose des questions sur le déroulement correct de cet examen dans les différents groupes.
Pourquoi, au cours de l'examen écrit, il y a des groupes où l'utilisation de smartphone (donc accès à internet, google, google translate,...) a été acceptée (confirmé par des candidats qui ont eu la chance d'être dans ces groupes, qui ont effectivement fait l'usage d'internet et qui ont réussi cet examen) et dans d'autres groupes pas? Pas nécessaire d'expliquer qu'un examen écrit dans une langue non-maternelle est beaucoup plus facile si on peut faire des recherches sur internet et utiliser google translate!
Ceci est probablement la cause principale de l’élimination de beaucoup de candidats pour l’attestation de guide des espaces naturels.
- On se demande quel sera le résultat si on envoi deux personnes sur le terrain en leur demandant d’organiser de A à Z une randonnée de plusieurs jours pour 10 personnes et de transformer cet exercice en pratique:
° Une personne ayant des dizaines d’années d’expérience mais qui a raté son examen écrit.
° Une autre personne ayant son BAC, sortant de la réception de l’hôtel et qui connaît très bien l’histoire du Maroc depuis l’année 788 ("où lors de son exil Idris le premier, fuyant les persécutions du califat des Abbassides, a donné naissance à un état dans le Maghreb al-Aqsa". - Ceci pour vous montrer que l’utilisation de Google est très pratique lors d’un examen et que tout cela est très intéressant mais que ça ne passionne guère le randonneur -)
La troisième sélection concerne l’examen oral.
Malgré que les résultats de cette épreuve ne soient pas encore connus par nous, nous avons déjà une question. Nous avons constaté que dans la liste des personnes sélectionnées pour l’examen écrit, se trouve une petite dizaine de personnes qui ne sont pas classées dans l’ordre alphabétique de la liste globale. Ces mêmes personnes se trouvent également dans la liste des personnes pour l’examen oral, à nouveau pas classées dans l’ordre alphabétique dans la liste globale. Très étrange que toutes ces personnes ont réussi l’examen écrit ? Ou est-ce une coïncidence ?
En plus, ce petit nombre de personnes pouvaient passer leur examen oral le samedi au ministère de tourisme, séparé des autres sélectionnés sur la liste des guides des espaces naturels ?
Vous voyez, Monsieur le Ministre, que nous avons beaucoup de questions et de remarques sur l’organisation, le déroulement et les résultats de cet examen.
Ce qui a été présenté au début comme une excellente opportunité pour les nombreux accompagnateurs qui font leur travail de manière excellente et qui peuvent s'appuyer sur des années d'expérience est devenu une catastrophe pour eux, pour leur famille et pour leur avenir.
Que deviendrons-nous, qui se voient sans avenir dans le travail que nous avons toujours fait, et surtout exercé avec passion, avec beaucoup de pratique (nous avons commencé comme muletiers, cuisinier,.. pour apprendre toutes les astuces du métier) en donnant aux randonneurs une expérience fantastique ?
Que faire de l’image du tourisme à l’étranger ? Certaines personnes entre nous, mariés avec des Européens, ont déjà pris en Europe ou le Maroc, des démarches pour créer une agence spécialisée en voyages au Maroc. D’autres travaillent au départ de leur maison d’hôtes familiale, ou déjà par leur propre agence, il y a des personnes qui font des randonnées pour des autres agences,…
Est-ce que le petit nombre d’élus pourra faire face à toutes les demandes de randonnées ?
Est-ce que les clients réguliers vont être satisfaits si leur randonnée est organisée et accompagnée dorénavant par un inconnu sans expérience qui travaillait à l’hôtel avant, ou qui sort de l’école?
Vous croyez que ce nouveau guide pourra solliciter l’aide des personnes expérimentées qui ont été rejetées ?
Monsieur le Ministre, nous vous demandons avec beaucoup de respect pour votre fonction et votre pouvoir de décision, de revoir la décision de nous exclure de ce métier.
Nous ne prétendons pas que nous ne pouvons pas nous améliorer ou suivre des cours dans certains aspects de la profession. Cela peut être faite en organisant des cours dans certains domaines (par exemple: un cours de premier secours, un cours pour apprendre mieux lire les cartes topographiques, un cours de langue,...) mais après l'évalutation de chaque personne individuellement pour voir où il y a peut être un manque de connaissance.
Si nous n’étions pas persuadés de nos capacités et convaincus que nous avons un rôle important dans le domaine du tourisme et dans la réputation du Maroc et son tourisme, nous n’aurions pas pris l’initiative de vous consulter.
Veuillez accepter, Monsieur le Ministre, nos sincères remerciements pour lire notre argumentation et motivation.
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