CHAM de Creil

Myriam Bachir

/ #35 Défense et illustration de la CHAM C4 de Creil

2015-03-28 13:14

« Égalité des chances », « Accès pour tous à la culture et à l’éducation », « construire une France plurielle dans la fraternité et l’égalité», « Lutter contre l’exclusion », « combattre les ghettos sociaux, spatiaux, ethniques, culturels et cultuels », « lutte contre la ségrégation urbaine et ‘l’apartheid social et urbain’ (sic Monsieur le Premier ministre en fonction)».

Voilà des principes fondamentaux, ciments de la République, qu’il est urgent de réaffirmer dans le contexte socio-politique contemporain, mieux encore, d’appliquer. Malheureusement ces fondamentaux demeurent trop souvent au stade de slogans électoralistes ou de discours émotifs, bref, restent lettre morte,  faute de traduction dans les faits et dans les actes sur le terrain.

Le modèle creillois de la CHAM appartient à ces trop rares exceptions d’expériences d’une mise en œuvre concrète et de long terme, d’initiatives favorisant l’égal accès à l’art,  le décloisonnement de la culture,  des formes de solidarité et de mixité sociales pouvant aussi déboucher sur des réussites scolaires là où l’espoir et la croyance dans les institutions publiques et l’école de la République avaient  disparus.

Le mode de sélection des collégiens lui-même s’éloigne des dérives élitistes constatées ailleurs. En effet, la voix, la motivation en sont, entre autres, les principaux critères. Ce mode opératoire différencie le modèle creillois d’autres CHAM, dont l’entrée est conditionnée notamment par la formation musicale et instrumentale des jeunes, sanctionnées par des titres et niveaux au sein de conservatoires de régions ou de cours privés payants reconnus par les conservatoires, et reproduisant ainsi, sous couvert de CHAM, les disparités socioculturelles et in fine, éducatives, pédagogiques et scolaires.

Il importe également de donner à voir la ville de Creil, dont plusieurs des quartiers sont en ZEP, ZUS, en CUCS, ZSP etc., autant de sigles pourvoyeurs certes de moyens supplémentaires, mais aussi de stigmates, sous l’angle d’une image positive et créative. Le chœur en représentation à Lille, Chantilly, Senlis, Creil, etc. et même sur M6 représente aussi la diversité de la jeunesse de France et participe à une valorisation de la ville qui ne se réduit pas à une banlieue dangereuse et mal famée dont on ne parle qu’ à la rubrique « faits divers » criminels, trafic etc. dans la presse et dans les esprits.

Très impliqué, le chef de chœur de la CHAM de Creil, dont le niveau est à l’évidence, sans mépris aucun mais avec objectivité, bien au-delà d’un conservatoire d’une ville moyenne de province, imprime un sens à son action, celui de l’engagement, au sens noble, dans la vie de la Cité. Il serait dommage, de priver la jeunesse creilloise de la chance d’une telle rencontre artistique.

 

Professeur de Science Politique, spécialiste de sociologie de l’action publique et d’évaluation des politiques publiques et chercheur dans un laboratoire de recherche CNRS, j’ai eu l’opportunité d’observer le fonctionnement de la CHAM de Creil de près. Ces analyses devraient déboucher prochainement sur une publication collective que nous menons dans mon laboratoire dans le cadre d’une enquête portant sur « Les formes et expériences d’égalité des chances par-delà les discours». L’expérience du Collège Michelet de Creil y est appréhendée comme un modèle du genre.

 

Myriam Bachir

Maître de conférences en Science Politique Amiens