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Affaire DSK/Diallo : la leçon d’équité de Cyrus Vance
Le procureur de New York s’est montré impartial envers les deux parties
lundi 5 septembre 2011 / par René Dassié / 7 réactions
Cyrus Vance n’a pas demandé l’abandon des charges contre Dominique Strauss-Kahn parce qu’il aurait subi des pressions. Tout au long de l’affaire, il s’est montré impartial et ne sort pas indemne de cette affaire qui pourrait peser sur sa réélection en 2013.
Dominique Strauss-Kahn, l’un des protagonistes de l’affaire de mœurs de l’hôtel Sofitel de Time Square de New York est rentré dimanche en France, libre. Nafissatou Diallo, la femme de chambre qui l’avait accusé d’agression sexuelle va sans doute rentrer dans l’anonymat duquel l’affaire l’a provisoirement sortie, en acceptant de reprendre un poste moins voyant au groupe Sofitel, comme son employeur le lui a proposé.
En jetant l’éponge avant même que l’affaire ne passe en jugement, le procureur de New York, Cyrus Vance Jr qui avait déclenché l’affaire ne s’en est pas sorti indemne. L’affaire était d’autant plus importante pour lui qu’il occupe un poste électif et sera probablement candidat en 2013 à sa propre succession. Déçus par l’épilogue anticipé et moins explosif qu’attendu de la saga judiciaire de trois mois qui a coûté son poste à l’ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI) et précipité sur la scène médiatique mondiale une femme de chambre, de nombreux commentateurs l’ont soupçonné d’avoir subi des pressions. Il apparait cependant à l’observation que la seule expression qui pourrait résumer l’attitude du magistrat newyorkais tout au long de cette affaire, c’est celle d’équité, que l’on peut également traduire par impartialité.
Un procureur impartial
Le procureur de New York a été impartial le 14 mai, lorsqu’il a ordonné l’arrestation de Dominique Strauss-Kahn, alors que celui-ci se trouvait dans un avion et s’apprêtait à s’envoler pour Paris. Dominique Strauss-Kahn était au sommet de sa puissance. Tout puissant patron du FMI, il était également, selon les sondages, le grand favori de l’élection présidentielle de 2012 en France à laquelle il ne participera probablement plus. En décidant de le faire arrêter Cyrus Vance Jr n’a appliqué que le sacro-saint principe de l’universalité du droit pénal, qui veut que la loi s’applique pareillement à tout le monde, sans tenir compte du statut social de chacun. Il a pris la défense d’une femme de chambre contre le grand fonctionnaire international, alors classé parmi les hommes les plus puissants de la planète.
On a vu DSK complètement livide, menotté, conduit en mondovision dans un tribunal où il a côtoyé toutes sortes de délinquants, du jeune voleur à la tire à l’assassin le plus féroce. On l’a encore vu être conduit à la redoutable île-prison de Rikers Island, l’une des plus grandes et des plus dangereuses du monde. Une ville-prison constituée de bâtiments de différentes tailles dans lesquels sont enfermés entre 13.000 et 14.000 détenus.
Cyrus Vance Jr a été également impartial en suivant la direction du vent, lorsque celui-ci a tourné contre Nafissatou Diallo. On sait que la justice pénale américaine qui fonctionne sur le mode accusatoire l’obligeait à rassembler tous les éléments de preuve pouvant permettre de confondre l’accusé Dominique Strauss-Kahn. La victime présumée y étant uniquement considéré comme témoin à charge. Cependant, le procureur de New York avait également l’obligation de communiquer au tribunal et aux avocats du mis en cause toute information en sa possession pouvant jouer en sa faveur. Dans le souci ultime de la seule manifestation de la vérité.
Les contradictions de Nafissatou Diallo
On ne peut pas lui reprocher d’avoir eu à faire à une plaignante incapable de maintenir une seule version de son histoire et multipliant les contradictions dans son récit. « Au moment de la mise en examen, toutes les preuves disponibles nous ont convaincu que la plaignante était fiable. Mais les indices matériels réunis au cours de l’enquête qui a suivi ont sapé de manière grave sa crédibilité en tant que témoin », écrit le procureur dans le rapport de 25 pages qu’il soumet au juge pour motiver sa demande d’abandonner les poursuites contre DSK. Les mensonges de Nafissatou Diallo quand à un précédent viol qu’elle aurait subi en Guinée, les cas de fraude relevés dans ses rapports avec les services sociaux contribuent à entamer sérieusement sa crédibilité.
Evoquant les preuves d’une relation sexuelle forcée, le procureur estime celles-ci insuffisantes. « Les preuves physiques, scientifiques et autres indices établissent que l’accusé a eu une relation sexuelle précipitée avec la plaignante mais ne permettent pas d’établir de manière indépendante que leur rapport a été contraint ou non consenti », écrit-il, ajoutant : « toutes les preuves qui seraient pertinentes (pour établir) des faits de rapport forcé et de manque de consentement ne sont pas concluantes (…) Aucune trace de sang n’a été trouvé ni sur les habits ni sur le corps de la plaignante. Le curetage sous ses ongles n’a donné aucun résultat. » « Durant leur premier examen médical, les médecins n’ont noté aucune blessure visible sur la plaignante ni aucun traumatisme sur son corps ou sa bouche. Il est peu probable (qu’une "rougeur" observée lors d’un examen gynécologique) ait été causée (par l’accusé) ». D’où la demande d’abandonner les poursuites. « Nous ne faisons pas cette recommandation à la légère », assure Cyrus Vance Jr.
S’il y a des gens qui ont exercé des pressions dans cette affaire, ce sont les communautés noires et musulmanes de New York, certains groupes féministes et des associations de femmes de chambres. Mais plutôt que de souhaiter l’abandon des charges, tous poussaient au contraire le procureur à poursuivre l’affaire. Cyrus Vance Jr a jeté l’éponge parce qu’il ne pouvait pas aller plus loin. Imperturbable, il a fait œuvre d’impartialité.