Lettre ouverte des personnels et des usagers de l'ENS de Lyon

Un élève indifférent

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2016-05-12 22:50

Une chose est de regretter l'envoi de policiers pour déloger une poignée d'étudiants, qui n'étaient guère une menace. Une autre est de soutenir ceux-ci dans le flou de leurs revendications. La pétition mélange trop commodément les deux.

Que l'on veuille avoir des débats plus ouverts à l'ens, soit. Il est clair qu'elle ne brille pas par son esprit d'innovation. Mais j'espère ne pas être le seul à être mal à l'aise avec cette volonté de "politiser" (sic) l'établissement. Ce que j'ai pu écouter en F01, et lire sur tous les autres murs de l'école me semble relever d'opinions fort peu interrogées, de dualismes convenus et de bien peu de réflexion critique : une insidieuse mais forte doxa qui s'élevait d'un entre-soi, et une inquiétante propension à se porter garant d'un universalisme bien commode.
En somme, je tiens simplement à souligner que ce mouvement se donne sa propre rationalité, et n'a rien d'honnête sur le plan intellectuel. L'impression en était assez malsaine, puisque pestant contre la fermeture socio-intellectuelle de l'école, ces élèves, sous-couvert de débats et d'une "ouverture sociale" bien relative, ne faisaient que reproduire d'une part une fermeture sociale différente mais tout aussi redoutable, d'autre part un huis-clos intellectuel, celles de logiques politiques communes aux occupants dont les fondements a priori restaient ininterrogées, quand les opinions trop éloignées ne paraissaient pas dignes de compréhension. Si l'idée fondamentale, celle de favoriser l'échange critique à l'ens, est peu contestable, la critique n'a pas à être sélective, et doit se nourrir de la neutralité axiologique indispensable à un travail intellectuel honnête.

Je suis en fait sincèrement inquiet du fait que ces élèves qui se pensent comme progressistes soient in fine des exemples éminents de la paresse intellectuelle générale, de l'étonnante incapacité de tout le monde à penser les difficultés présentes autrement que par des catégories de pensées anciennes, voire carrément conservatrices, en tout cas caduques.