De jeunes juristes somment Québec de réformer le droit familial
596 pages. 1292 notes de bas de pages. 82 recommandations. Plus de deux années de réflexion et de débats entre des experts chevronnés qui se sont donnés pour mission de repenser le droit de la famille pour l’adapter aux nouvelles réalités conjugales et familiales. Le tout entièrement bénévolement, grâce aux sacrifices et à l’investissement d’un Comité formé en avril 2013, dont les membres étaient animés par des principes et des convictions profondes.
Il y a de cela bientôt un an, le 5 juin 2015, ce Comité, présidé par le Professeur Alain Roy de la Faculté de droit de l’Université de Montréal, remettait son Rapport à la ministre Me Stéphanie Vallée qui s’est empressée de s’en réjouir publiquement pour affirmer qu’il était dès lors étudié sérieusement et avec beaucoup d’intérêt. Le 5 mai dernier, près d’un an plus tard, lors d’un Colloque organisé par la Faculté de droit de l’Université de Montréal, la ministre réitérait ses propos.
Les six principes directeurs du Rapport suffisent à expliquer la nécessité unanime d'une réforme du droit de la famille dans sa globalité. Nombre d’illustrations où les tribunaux tentent de pallier certains effets indésirables de l’état actuel du droit pour éviter tant bien que mal que les droits des uns et des autres soient bafoués, à commencer par ceux des enfants au cœur de la réforme proposée, justifient amplement l’urgence de revoir les priorités au cœur de nos élus pour qu’ils consacrent enfin l’attention que mérite ce document.
Ce Rapport d’envergure se veut rassembleur et influent. D’ailleurs, le Rapport a déjà engendré certains changements de mentalité, en adéquation aux réformes proposées, notamment en ce qui concerne le nouveau positionnement du Conseil du statut de la femme au sujet des mères porteuses, en plus d’alimenter de nombreux débats d’actualité sur des tribunes médiatiques et de susciter des échanges entre des intellectuels et autres acteurs sociaux de différents milieux qui reconnaissent l’importance indéniable de se pencher sur les problématiques traitées.
Il ne reste plus que deux semaines à la session législative en cours, mais aucune consultation publique sur ledit Rapport n’est encore annoncée. Silence radio. Pourtant, les enjeux sensibles et complexes du droit de la famille touchent quotidiennement l’ensemble de la population : tout le monde devrait se sentir interpellé, à commencer par le gouvernement.
C’est désolant de constater le nombre de projets de loi morts au feuilleton, lorsqu’ils concernent des sujets qui s’écartent d’enjeux pécuniaires. Pourtant, plus souvent qu’autrement, ce sont ceux qui mériteraient de s’y attarder davantage. Est-ce devenu la norme?
Est-ce que ces quelque 600 pages se résumeront à être « tablettées » ? Dans les circonstances, est-ce vraiment concevable que ce Rapport brillant, étoffé et audacieux subisse ce sort ? Advenant que ce document participe à garnir cette fameuse « tablette », cette dernière vaudra de l’or en barre, dont le gouvernement n’aura pas su profiter à sa juste valeur.
Le gouvernement est-il conscient du tort qu’il crée à l’ensemble de la société québécoise qui se voit préjudiciée par son inaction ? Est-ce que le Ministère de la Justice est prêt à assumer les injustices ainsi générées ?
Comment ne pas être désillusionné par les discours de politiciens qui sont vidés de leur sens et comment ne pas être inquiet, alors que nos dirigeants élus font défaut de poser les gestes qui s’imposent? Est-il possible d’espérer mieux de nos représentants élus qui se doivent d’agir dans l’intérêt public?
Idéaliste? Peut-être. Réaliste? Espérons.
Il est plus que temps de passer des paroles aux actes. À tout le moins, des consultations publiques s’imposent pour poursuivre les discussions relatives à l’avenir du droit de la famille québécois.
Marie-France Ouimet, LL.B.
Auteure du texte, étudiante à la maîtrise en droit, Université de Montréal
Cosignataires :
Cynthia Brunet, avocate, Thibeault Joyal
Sylvianne Fréchette, notaire
Maude Joyal-Legault, avocate, Morin Pilote et associés
Andréanne Malacket, avocate, doctorante et chargée de cours, Faculté de droit, Université de Montréal
Lien vers le Rapport : http://www.justice.gouv.qc.ca/francais/publications/rapports/pdf/droit_fam7juin2015.pdf
Nous invitons les juristes à indiquer la qualité en laquelle ils signent (avocat, notaire, étudiant en droit, LL.B., LL.M., LL.D., chargé de cours ou autre) dans la case "nom de famille".
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