Sauvons la Forêt de Taillard

JURISTE

/ #981 LES RISQUES DES BAUX EMPHYTHEOTIQUES

2015-03-14 13:40

QU'EST-CE QU'UN BAIL EMPHYTHEOTIQUE ?

C'est un type de contrat régi par le Code Rural (art. L451.1 à 13, cf Legifrance gouv.fr). 

Cela représente bien plus qu'un bail de location standard, d'abord par la durée, puique cela peut aller jusqu'à 99 ans, et ensuite par le contenu : le bail emph. transfère au locataire non-seulement l'usage, mais aussi l'usufruit, le droit d'hypothéquer, de vendre ou de sous-louer le dit contrat sans l'avis du bailleur. Le contrat peut également être saisi, comme tout bien immobilier...

La signature du bail lui-même est généralement précédée de celle d'une promesse de bail : cette dernière engage la surface totale cadastrée des parcelles concernées par le projet éolien, elle vaut bail et sa signature est irrévocable. Elle n'engage pas seulement le temps de l'étude du projet, mais elle est définitive pour une durée de 5 ans, prorogeable de plein droit par le promoteur éolien ! Mais le preneur, n'accorde cependant aucun loyer tant que le projet n'est pas concrétisé, et aucun définitivement sur les parcelles non-concernées par la construction de mâts, infrastructures ou chemins d'accès définitifs. Pour autant ces parcelles non-concernées auront bien été immobilisées par la promesse de bail en longue durée... Elles auront donc été "mises à la disposition du maître d'ouvrage à titre gracieux" (alinea 4 de la loi précitée), ce qui constitue une aliénation de fait du bien concerné.

AUTRES CONSEQUENCES POUR LE BAILLEUR

Démantèlement des installations :

Le démantèlement des éoliennes devrait être assuré en principe par le promoteur, en vertu de l'art 14.

Mais depuis 2011, les éoliennes dépendent du régime des ICPE (installations classées pour la protection de l'environnement). Ce classement, qui concerne tout site industriel, engage, en cas de faillite ou de "désertion" du locataire exploitant (lire l'ent. éolienne), le propriétaire foncier, à démonter les installations industrielles et à dépolluer le terrain, béton compris, à ses frais...

Même si l'Etat a imposé aux exploitants éoliens un provisionnement de 50 000 euros par aérogénérateur, tout le monde sait, exemples et devis à l'appui, que cela sera très insuffisant ! Si le propriétaire est impécunieux, on entre dans un processus de saisie et mise aux enchères de ses biens.

Responsabilité conjointe :

Dans une affaire en date du 17 septembre 2013, le Tribunal de Grande Instance de Montpellier a statué que les bailleurs de terrains sont conjointement responsables avec l'exploitant éolien de l'impact et des préjudices subis par les populations, les paysages et la qualité de vie. Il a condamné les propriétaires in solidum du preneur exploitant d'éoliennes aux indemnités, frais et dépens, etc... en s'appuyant sur l'art. 1382 du Code Civil : "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer..." Dans l'esprit du Tribunal, cela inclut le droit de vue, la dévalorisation immobilière, les atteintes à la santé, la perte de ressources (eau des privés, par ex.) et ce n'est pas limitatif.

Cette affaire fait jurisprudence, et donc peut servir à de nouvelles actions dans le futur. Le texte complet du jugement peut être retrouvé sur TGI Montpellier 17/09/2013.

Incompatibilité :

Les parcelles aliénées donnant droit à un loyer industriel, même modeste, perdent tout droit aux aides sylvicoles, et ce sur la totalité de la parcelle concernée.

PEUT-ON, POUVAIT-ON PRENDRE CERTAINES PRECAUTIONS ?

Il est sans doute trop tard pour l'évoquer, car il est probable qu'au moins une promesse de bail a été signée. Toutefois, le moins aurait été avant toute signature, de consulter un Notaire ou un Avocat spécialisé en Droit foncier. Ils auraient ainsi pu conseiller des modifications au contrat, ou même un autre type de mise à disposition, moins aliénant et contraignant que le bail emph.

Il aurait été préférable que le contrat soit signé directement avec l'opérateur industriel (QUADRAN), car ce dernier a du répondant financier. La SAS les Ailes de T. n'est qu'une filiale quasi sans capitaux propres, qui ne manquera pas de s'évanouir dans la nature au moindre problème. On peut faire rappel que la responsabilité de ses actionnaires se limite à leur investissement, c'est à dire rien ! Là-dessus, l'alibi de "l'actionnariat participatif", c'est bien pratique !




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