C'est beau, c'est admis, on a compris, Guy Turcotte avait un trouble de l'adaptation consécutif à sa séparation. Pas un, pas deux, pas trois mais bien quatre psy sont venus le dire à la cour. Tout le monde a bien compris ? Turcotte souffrait d'un trouble d'adaptation de l'humeur. C'est clair.
C'est un diagnostique qui est donné quand certains symptômes dépressifs sont remarqués et que les critères de la dépression majeure ne sont pas rencontrés, laquelle dépression majeure, pourrait, je dis bien pourrait, conduire à des actes dramatiques comme ceux qu'on a connus.
Le fait est que, dans le milieu MÉDICAL où évoluait Turcotte, dans son entourage immédiat, personne n'a vu les signes d'une dépression majeure. Croyez-moi, s'il en avait souffert, ça ne serait pas passé inaperçu.
Le fait est que, dans les semaines, les jours précédant le drame, dans la journée et la soirée du drame, on n'a pas assisté à la désorganisation habituelle des personnes atteintes de dépression majeure chez Turcotte. Les témoignages nous ont permis de découvrir un homme peiné par la situation, un homme déçu, un homme en colère aussi… et de plus en plus en colère. Et je ne dis pas que, dans une certaine mesure, cette colère n'était pas légitime. C'est ben plate de réaliser que ta femme a un amant. On est probablement tous d'accord là-dessus aussi. Et on est un maudit paquet à être passés par ce chemin difficile.
La colère de Turcotte s'exprimait en violence. Une violence larvée au départ, qu'un observateur averti aurait pu décelé dans le mode relationnel qui prévalait entre Turcotte et sa conjointe. Une violence étalée par la suite, quand il se permettait des "visites surprises" chez Isabelle Gaston, quand il passait vérifier la présence de l'autre chez elle, quand il entrait et criait après elle en présence des enfants, quand il a frappé Martin Huot un matin qu'il l'a surpris chez elle.
Et j'insiste sur le "chez elle". Parce que ça a fait parti des discussions ici comme en cour, le fait que le pauvre Turcotte souffrait de voir Huot dans son lit, avec sa femme, dans sa maison, avec ses enfants, dans ses choses. Lors d'une séparation, quand il y a des enfants, c'est souvent la mère qui reste à la maison familiale avec les enfants, dans un premier temps, dans un soucis évident de préserver les enfants et de faire passer la pilule de la séparation le plus doucement possible. L'entente avait été négociée entre Turcotte et Isabelle Gaston, c'était lui qui partait, elle restait à la maison. Turcotte n'a jamais nié ça.
Est-ce que, dans l'esprit de Turcotte, le fait qu'Isabelle Gaston demeure dans la maison familiale était une manière détournée pour lui de garder une mainmise sur elle ? Après tout, il avait les clés, pouvait entrer à sa guise, se comportait toujours en propriétaire occupant … C'est aussi de la violence.
La réaction même d'Isabelle Gaston révèle la violence à laquelle elle faisait face. Certains ont lu de la provocation dans le fait qu'elle fasse changer les serrures. Les victimes de violence vous diront que c'est la peur qui dicte ce genre de conduite. Isabelle Gaston a réagi à la violence de Turcotte en tentant de mettre une petite barrière de plus entre lui et elle. Barrière bien futile parce que la personne violente contournera facilement chaque petite entrave avec une facilité désarmante.
J'ai été estomaquée de lire les propos de Turcotte lors du procès, sa manière de parler de ses enfants, de sa femme, de ses choses… Des objets… tous des objets… déposés dans le cadre parfait de sa vie à lui, évoluant autour de son nombril à lui, "ses choses".
De la violence psychologique, de la violence verbale, de la violence physique, de la violence économique (a-t-on encore besoin de faire la preuve du côté radin de Turcotte); c'est ce que je lis dans les propos de Turcotte, dans les tentatives de protection d'Isabelle Gaston, dans les courriels rendus publics pendant et après le procès, dans les témoignages de la majorité des intervenants au dossier, n'en déplaise à ceux qui viendront dire que je n'ai pas assisté à tout le procès.
Turcotte a nourri sa violence en relisant les courriels le soir des assassinats, comme pour légitimer les actes qu'il allait commettre. Il était obnubilé par sa petite personne souffrante, se donnait un droit de vie et de mort sur les enfants dans le but de blesser davantage sa proie qui lui échappait peu à peu. C'est chiant pour un violent ça.
Il est brillant le gars. La passe du liquide lave-glace est venu semé le doute mais, de vous à moi, le premier crétin venu qui voudrait vraiment mettre fin à ses jours, il mettrait un tuyau de balayeuse dans le pot d'échappement de sa voiture, il irait se pendre à un arbre, il s'ouvrirait les veines, il irait se jeter à l'eau (en février, avec la rivière du Nord à proximité, c'est particulièrement efficace). Personnellement, je choisirais le tuyau de balayeuse parce que je suis, comme Turcotte, un peu douillette et moumoune et que je ne veux pas trop souffrir. Que voulez-vous, personne n'est parfait !
Un psychiatre a parlé de narcissisme Étrangement, c'est le seul psychiatre qui n'a pas été mis en bouillie ni par la couronne (normal, c'était son témoin expert), ni par la défense. Habile procédure de la part de cette dernière. On n'interrogera pas trop ce témoin trop crédible… ! Faudrait surtout pas mettre le focus sur un début de vérité!!!
Tous ceux qui ont une peur bleue d'être un Turcotte en puissance, rassurez-vous. Le fait de vous interroger sur vous-mêmes vous élimine de la liste. La remise en question n'est pas le propre, ni des violents, ni des narcissiques, ni des manipulateurs (parce qu'on a un cas patent devant nous).
Si vous aviez tué, massacré, torturé vos deux petits enfants, les amours de votre vie sous le coup d'une pulsion incontrôlable, sous le coup d'un trouble mental momentané, au réveil (parce qu'il semble bien que Turcotte soit réveillé) quelle aurait été votre attitude ? Quel genre de courriels auriez-vous envoyé à votre ex ? Quelle "commande" auriez-vous passé à votre avocat ? C'est le genre de questions qu'on peut se poser à soi et les réponses qu'on se donne à soi permettent de lever le voile sur la véritable nature de Turcotte.
Peut-être que ces deux petits-là nous auront permis, au prix inouï d'une mort atroce, d'en apprendre un peu plus sur le narcissisme pervers, sur la manipulation, sur la violence conjugale. Chaque papa, chaque maman qui saura lire à travers les actes ignobles de Turcotte, à travers l'attitude même d'Isabelle Gaston, des similitudes avec ce qu'il vit dans sa relation conjugale, sera peut-être mieux en mesure de protéger ses propres petits. Apprenons ce qu'est un manipulateur, apprenons ce qu'est un narcissique dans sa forme perverse, apprenons ce qu'est la violence. Peut-être que nous permettrons ainsi à des petits Oliviers et des petites Anne-Sophie de rallumer notre monde à grands coups d'éclats de rires et de joie de vivre…